À Hyères, les serres toujours sous le choc de l'orage de grêle de l'été 2022
La fin de l’été 2022 avait été marquée à Hyères par la détresse des agriculteurs dont les exploitations venaient d’être frappées par la grêle. Bilan de santé un an après.
Publié le: 2023-09-16 06:30:00
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" P our commander le verre proprement dit, il a fallu sortir immédiatement 135.000 euros. Pour faire tomber ce qui était en équilibre et nettoyer la structure, j’en ai eu pour 100.000 euros supplémentaires. Et j’ai ajouté 92.000 euros pour faire monter les nouveaux verres avec une main-d’œuvre principalement hollandaise et polonaise. Et je ne compte pas le nettoyage de tout ce qui était tombé au sol qu’on a pu faire nous-même. En masse salariale, ça doit représenter 50.000 euros!" . Un an après l’averse de grêle qui a fait voler en éclat ses 14.000m 2 de serres au petit matin du 17 août 2022, cet horticulteur hyérois fait le douloureux décompte de l’avalanche de factures qui lui est ensuite tombé dessus. Durant les six mois qui lui ont été nécessaires pour remettre l’exploitation en ordre de marche, c’est tombé dru. "Six mois durant lesquels on a aussi perdu des parts de marché importantes parce qu’on n’avait plus rien à vendre pour la Toussaint comme pour Noël, ajoute-t-il. Et nous, on ne se plaint pas. On était assurés pour le matériel comme pour la perte de chiffre d’affaires. C’est d’ailleurs uniquement grâce à cette couverture qu’on a pu s’en sortir" . Un peu plus d’un an après le terrible orage de grêle qui avait réveillé en sursaut le bassin hyérois, il suffit de prendre la route de l’Almanarre pour voir que toutes les plaies ne sont malheureusement pas refermées. Le spectacle des serres littéralement bombardées et laissées en plan depuis a dû déconcerter plus d’un touriste cet été. On est loin de la carte postale. Certains ont définitivement renoncé à exploiter des serres. D’autres le font au prix d’un équipement plus sécurisant. "La solution qu’on nous propose, ce sont des verres sécurit" , explique Philippe Vaché, président du syndicat agricole et horticole de Hyères. " Ils doivent se comporter comme les pare-brise de voiture. C’est-à-dire résister vingt fois mieux aux chocs d’abord puis, s’ils doivent céder, se fendre en 10.000 morceaux mais sans présenter de pointes tranchantes" . Évidemment, cette qualité – venue de Pologne – se paie avec un surcoût de 30 à 40% par rapport au verre traditionnel. "Et un des problèmes, c’est que l’assurance est d’accord pour remplacer à l’identique mais pas pour financer les verres plus résistants... alors que ça leur permettrait de réduire le risque." "C’est en particulier sur ce point qu’on attendait les politiques et la Région ou la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer) en particulier. Devant les caméras, l’an dernier, ils s’étaient engagés à nous proposer des solutions... En un an, on n’a rien vu. Alors qu’on sait qu’en raison du changement climatique, les épisodes de ce type vont se multiplier, l’anticipation est totalement oubliée". "On n’est pas là pour faire des chèques, mais pour trouver des solutions" , déclarait l’an dernier François de Canson avec sa casquette de vice-président de Région en découvrant les serres déchiquetées. Un an plus tard, alors qu’on lui rapporte que différents acteurs du dossier confient rester sur leur faim, l’élu londais assure que la collectivité a fait bouger les lignes. "D’abord, je veux signaler qu’aucun agriculteur sinistré n’a déposé de demande à la Région" , rétorque en préambule François de Canson, qui glisse qu’en revanche, dans d’autres dossiers, "1,4 million d’euros d’aide exceptionnelle ont été versés aux agriculteurs victimes d’aléas par la Région en complément de l’État depuis 2017" . Selon lui, il faut aller au-delà de cet épisode et se situer dans la logique globale du dérèglement pour "apporter des réponses structurelles aux aléas climatiques". En clair, anticiper pour s’adapter à la fois au risque d’orage, d’inondation, de gel ou de sécheresse. Une logique à laquelle il annonce que la Région consacre 2,6 millions pour accompagner les investissements de protection (tour antigel ou filets par exemple) et 2,4 millions pour financer la recherche. "La Région, avec l’État, incite aussi désormais les exploitants à s’inscrire dans le nouveau régime universel d’indemnisation des pertes de récoltes résultant d’aléas climatiques, crée en janvier 2023, c’est-à-dire après cet épisode de grêle... Par ailleurs, avec Renaud Muselier, nous avons décidé de créer un fond d’adaptation au changement climatique pour développer une culture de la gestion des risques en Région à travers le partage d’expérience" . Selon le décompte de la Chambre d’agriculture, 110 exploitations ont été impactées par la grêle. L’orage a frappé sur Hyères, bien sûr, mais aussi sur La Londe, Carqueiranne et La Crau. "90% des sinistres concernent des maraîchers et des horticulteurs , estime François Drouzy, directeur adjoint de la Chambre d’agriculture. Et les pertes enregistrées vont de 30 à 90% de la production... en plus des dégâts sur les serres" . Exclues du régime de calamité agricole, les exploitations sous serres ajoutent à la difficulté d’indemnisation. Outre l’enveloppe d’urgence de 500.000€ accordée par le ministère de l’Agriculture (et partagée par 95 exploitants), les agriculteurs ont aussi pu profiter de souplesse sur les taxes foncières ou les cotisations sociales. Des petits coups de pouce qui ne règlent pas le gros problème selon la chambre: celui de l’assurabilité des installations. "C’est une question sur laquelle les grandes filières, bien organisées, sont en avance sur nous, concède François Drouzy. Elles ont des moyens de lobbying que nous petites exploitations familiales n’ont pas" . Pas question cependant pour la Chambre de baisser les bras. "On ne lâche pas l’affaire mais il reste du travail" . Il en reste aussi selon lui pour trouver une façon de faire disparaître du paysage les serres en miettes afin de rendre les terres à nouveau nourricières. Située route de l’Almanarre, les serres que louaient "Tiny le maraîcher" depuis quatorze ans voyaient défiler touristes l’été et locaux toute l’année à la recherche de fruits et légumes locaux. Depuis un an, elles sont à l’abandon, à l’exception du point de vente encore occupé. "Le propriétaire a touché son assurance mais ne fera pas les travaux de remise en état. Il laisse comme c’est, se désole l’agriculteur. Il n’a même pas voulu faire tomber le verre en équilibre et évacuer celui tombé au sol pour qu’on puisse retravailler la terre" . Un coup dur pour l’exploitant: "Je travaillais 5.000m sous ces serres. C’était le tiers de ma surface mais la moitié de ma production" . Pas question cependant pour lui de se remettre sous serres: "J’ai repris de la surface mais en plein champ et uniquement sous tunnel. Ce n’est plus le même travail mais je ne suis pas chaud pour reprendre des serres en verre" . Ce coup du sort a aussi poussé le maraîcher à aller de l’avant et à s’investir dans l’ouverture d’un nouveau point de vente au Photophore de la Bergerie.