Marine Le Pen projette déjà Jordan Bardella à Matignon
Trois ans et demi avant l’élection présidentielle, la candidate du Rassemblement national annonce déjà aux Français celui qu’elle nommerait à Matignon en cas de victoire. Une étonnante précipitation qui consacre la montée en puissance de son successeur à la tête du parti d’extrême-droite.
Publié le: 2023-09-17 12:42:55
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Lors de sa rencontre informelle avec les journalistes, en marge des universités de rentrée du Rassemblement national le 16 septembre, Jordan Bardella a vu débarquer une invitée surprise: Marine Le Pen. "Je ne t’avais pas prévenu", s’amuse-t-elle. En retrait, elle l’observe répondre aux questions sur la composition de la liste RN aux européennes, tire sur sa vapoteuse, pointe que "les noms qui sortent dans la presse ne sont souvent pas ceux retenus". Puis, elle reprend la main et dévoile les contours de sa proposition phare de "Déclaration des droits des peuples et des nations". L’apport d’un tel texte par rapport à la charte des Nations unies de 1945, qui consacre déjà le "droit des peuples à disposer d’eux-mêmes" et la souveraineté des Etats est flou. Certains des juristes les plus affûtés du RN, tels l’eurodéputé Gilles Lebreton , ancien professeur de droit public international, ou Hervé Fabre-Aubrespy , conseiller régional en Provence-Alpes-Côte d’Azur et conseiller d’Etat, n’ont d’ailleurs pas été associés à la démarche. Accélération Qu’importe: Marine Le Pen montre qu’elle, et elle seule, porte les annonces les plus importantes du parti d’extrême-droite. Qu’elle seule demeure la maîtresse du tempo au sein de son camp. "Je suis candidate à l’élection présidentielle, rappelle-t-elle. Je le suis jusqu’à décision contraire de ma part, c’est aussi simple que ça." Au passage, elle confirme une information du Figaro , selon laquelle elle proposera aux Français en 2027 un "ticket" avec Jordan Bardella comme futur Premier ministre. Quatre ans avant l’échéance, une telle annonce paraît un brin précipité. Manière de valoriser le jeune président du parti de 28 ans ou au contraire de couper court à toute concurrence avec elle dans la course à l’Elysée? "Nous devons montrer que nous sommes prêts à gouverner, décrypte l’eurodéputé Philippe Olivier. Et plus tôt nous pourrons mettre en avant une équipe autour de Marine Le Pen, mieux ce sera." De fait, en quatre ans, Jordan Bardella a connu une ascension éclair dans les sondages. Avec 30% des sondés qui lui font confiance pour faire des propositions "qui vont dans le bon sens", selon Harris Interactive , il se rapproche de Marine Le Pen (35%). "Il est très installé dans le paysage politique et dépasse largement les autres chefs de parti, confirme Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d’Harris Interactive. Son score le situe plutôt au niveau des présidentiables. Ce qui est loin d’être anodin." Selon un sondage confidentiel révélé au printemps par Le Figaro Magazine , le jeune président du RN décrocherait même 23% des voix au premier tour de la présidentielle. Soit un pourcentage de sept points inférieurs à celui Marine Le Pen (30 %), mais suffisant pour accéder au second tour. Lire aussi Marine Le Pen et Jordan Bardella: guéguerre ou vrai affrontement - Challenges Au printemps , l’Ifop a même réalisé une enquête sur le match Bardella-Le Pen où les sondés étaient amenés à se prononcer sur leur personnalité préférée. Résultat, l’eurodéputé obtient des scores bien plus élevés que la députée d’Hénin-Beaumont chez les jeunes, les classes aisées, les dirigeants d’entreprise ou les habitants d’Île-de-France. Tandis que celle-ci le surpasse largement chez les classes populaires, les peu diplômés, les 35-64 ans et les habitants de la province. "Tant que ces écarts ne créent pas de dissension entre eux sur la stratégie à suivre, cela constitue une force en élargissant l’électorat potentiel du RN", relève Frédéric Dabi, directeur de l’Ifop. Partage des rôles Déjà, le duo se partage les rôles. Au premier, les punchlines contre le gouvernement et les discours radicaux sur le grand remplacement. A la seconde, la stature présidentielle et les grandes annonces sur le fond du projet. Un numéro bien rôdé qui connaît tout de même quelques couacs. En février dernier, l’interview de Jordan Bardella reconnaissant dans L'Opinion une "naïveté collective" vis-à-vis de Vladimir Poutine avait immédiatement été suivie d’un communiqué de Marine Le Pen aux allures de recadrage. Durant la bataille des retraites, l’eurodéputé s’était dit favorable à la suppression des régimes spéciaux de retraite pour les nouveaux embauchés, avant que la députée du RN fasse de leur maintien l’un des principes de sa contre-réforme. Nombre d’élus RN ont aussi tiqué sur le fait que le film de 25 minutes réalisé pour l’anniversaire de l’élection de 89 députés RN ne laisse que 24 secondes d’expression à Jordan Bardella à… la 23 ème minute. Aiguillons macronistes Détail piquant: depuis quelques semaines, le camp macroniste multiplie les fuites pour exacerber la concurrence entre les deux têtes du RN. Début septembre, au lendemain de l’entretien marathon d’Emmanuel Macron avec les chefs de partis, l’Elysée a laissé dire que c’était Jordan Bardella qui avait le mieux compris l’exercice. Et que le président avait été "impressionné" par son sérieux. Certains élus de la majorité en rajoutent. Ils soufflent en "off" à quel point l’eurodéputé leur paraît un adversaire redoutable. "Il a beaucoup, beaucoup progressé. Si le RN avait du bon sens, il serait propulsé pour la prochaine présidentielle, confie un macroniste de la première heure. Et là, les choses deviendraient vraiment compliquées pour nous." En oubliant que l’histoire des numéros 2 du RN -de Mégret à Philippot en passant par Gollnisch- s’est toujours mal finie.